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20 juin 1944, libération de  notre commune

Texte et documents extraits de la thèse de Stéphane Lamache : "Les Américains dans la région de Cherbourg en 1944 et 1945 : l'implantation de la Normandy Base Section dans le Nord Cotentin et ses conséquences" soutenue à l'université de Caen en 2010 sous la direction de Jean Quellien.

 

             Le débarquement allié du 6 juin 1944 ainsi que la bataille de Normandie induisent une présence militaire axée sur un gigantesque dispositif logistique dont l'épicentre se situe dans le département de la Manche, et tout particulièrement dans la région de Cherbourg.

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La base de triage américaine

 

                     ...La performance réalisée ce jour-là par les personnels du Train et les marins américains, sans oublier les hommes du Génie qui ont réalisé les travaux à terre, donne lieu à une couverture photographique du Signal Corps. Cherbourg est bien la vitrine du savoir-faire des soldats américains dans le domaine de la logistique, et une telle démonstration de leurs compétences méritait bien un reportage orchestré par les services de la propagande. Le projet initial des Alliés consiste à remettre en service une ligne ferroviaire allant du nord vers le sud depuis Cherbourg, par l’embranchement de Lison, en direction de Saint-Lô, Folligny, Avranches, Dol et enfin Rennes. Au fur et à mesure que le territoire normand se trouve libéré, les unités du Train réhabilitent le réseau ferroviaire, redonnant par là-même une capacité opérationnelle aux gares de triage, comme Valognes, Carentan, Lison, Vire. Quant il ne s’agit pas tout bonnement de les construire, comme ce fut le cas au sud de Cherbourg, dans les communes de Couville et de Sottevast. Ces deux gares de triage sont programmées pour assurer la répartition et le routage des matériels transitant par le port de Cherbourg.

 

                  Plus au sud de Cherbourg, sur le territoire de la commune de Couville, les Américains réalisent une autre importante gare de triage. L’endroit va devenir un « chaînon vital » dans l’organisation du convoyage de matériels militaires vers le front. Suite à la pose de 26 kilomètres de voies ferrées, la capacité de cette gare est portée à 1 740 wagons. Elle n’est achevée que le 31 octobre 1944, après trois mois de travail ininterrompu. Les services du Génie mettent en exergue les difficultés considérables rencontrées par le 354ème régiment dans l’accomplissement de cette tâche : non seulement, il a fallu remuer de grandes quantités de terre, mais une course contre le temps a dû être menée tout du long de la réalisation de ce grand chantier. Cette course, pourtant, les Américains reconnaissent l’avoir perdue : les pluies ont transformé ce chantier en un immense lac de boue, l’ennemie jurée de l’Armée américaine en Normandie. Il a vite fallu ouvrir une carrière de pierre et instaurer une noria de centaines de camions par jour en direction de Couville pour « stabiliser le marécage de ce qui devait devenir une gare de triage ». Cette unité affrontera les mêmes difficultés pour constituer une autre gare de triage, non loin de là, à Sottevast. Cette gare sera achevée le 18 décembre 1944, après « quatre mois de lutte contre la boue ». La réalisation de 29 kilomètres de rail portera la capacité de la gare de triage de Sottevast à 2 280 wagons.

 

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                  L'image qui s'attache à la libération de la Normandie par les armées alliées pendant l'été 44 est celle d’une liesse populaire spontanée. Or, dans le temps, l'étude de cette coexistence offre davantage le reflet d’une société civile confrontée de plein fouet aux vicissitudes de l'après-guerre, avec une détérioration progressive des relations humaines entre les deux groupes

 

L’émergence de groupes d’autodéfense

 

                  Fin 1945, une poignée de Manchois décide de se substituer aux forces de l’ordre. Sont-ils persuadés que ni la Military Police américaine ni la Police ou la Gendarmerie française ne peuvent assurer leur protection ? Quoi qu’il en soit, cette initiative ne correspond en rien à une réaction populaire de masse ; elle traduit plutôt l’exaspération de quelques villageois ou citadins confrontés à une situation d’insécurité au quotidien. Ceci étant, on ne dispose que peu d’informations au sujet des deux groupes d’autodéfense dont la constitution est attestée dans la Manche. L’exemple de la commune de Couville, petite commune située à une dizaine de kilomètres au sud de Cherbourg, illustre bien cette irritation de la population civile. Un manifeste y proclame haut et fort les intentions d’une dizaine de personnes : « Halte ! Depuis quelques jours, la paisible commune de Couville est devenue un repaire de bandits. Chaque soir, des groupes de quatre à cinq soldats de couleur attaquent à main armée sur la voie publique en toute impunité. Sous la brutale menace du revolver sur la poitrine ou du poignard sous la gorge, vous êtes dépouillé de votre portefeuille et vous repartez heureux d’en être quitte à si bon compte… » La suite de ce placard est tout aussi vindicative et se termine par : « La jeunesse normande qui a tant résisté à l’Allemand reprend ses fusils cachés et saura abattre sans pitié ces bandits »1. Á notre connaissance, la jeunesse en question n’a abattu aucun de ces « bandits » américains, qu’on associe une fois de plus avec l’Occupant d’hier.

La formation d’un groupe d’autodéfense semble moins anecdotique dans une ville comme Cherbourg. Á la fin de l’année 1945, des ouvriers de l’arsenal et des anciens résistants organisent des patrouilles de nuit dans les rues de la ville. La grande majorité des troupes américaines stationnées dans la région de Cherbourg en 44 et 45 ont déjà levé le camp. La présence de l’Armée américaine ne paraît plus nécessaire aux yeux des autochtones, surtout en ce qui concerne les mauvais sujets qui la composent. Ces Cherbourgeois, dont le nombre exact reste inconnu, sont dotés d’armes hétéroclites, comme des matraques, mais aussi, semble-t-il, de quelques armes à feu. Nul doute que tout cela se fait au vu et au su des autorités civiles et militaires de Cherbourg. Ce groupe d’autodéfense a fait vœu de « répondre coup pour coup à ces malandrins d’un genre nouveau qui hantent nos rues ( … ) et qui se croient devenir les maîtres de la ville en y instaurant la terreur ». Pour ce faire, on ne s’embarrasse guère de considérations, puisque tout soldat américain ne respectant pas le couvre-feu est considéré comme l’un de ces « malandrins ». Dans ce cas, il est même préconisé de « frapper tous les hommes de couleur rencontrés sur la voie publique . Bien que le nombre des agressions à Cherbourg semble diminuer sensiblement en novembre et décembre 1945, on a pu constater que ce groupe d’autodéfense n’a pas réussi à les empêcher totalement. Il reste surtout étonnant que des milices parallèles aient pu assurer cette mission qui relève en principe exclusivement de l’autorité publique. Ce genre de dérive apparaît en effet aussi dangereux qu’illégal, et les pouvoirs publics français se montrent très peu tolérants dans ce domaine. Alors, pourquoi ceux de la Manche ont-ils laissé faire ? Quoi qu’il en soit, jusqu’à son départ définitif, on constate que l’Armée américaine aura occasionné des problèmes de sécurité qui auront perturbé à divers degrés l’ordre social.

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groupe d'autodéfense.jpg
Extrait de Carte US.jpg

Témoignage de H.C. recueilli par Eric Guillemeau
 

Les américains étaient sympathiques avec la population, ils nous donnaient des bonbons et des chewing-gum.

Il y avait un camp de soldats noirs américains à Breuville à 150 m de l’église route de Sottevast, c’était durant l’hiver 1944-45, il y avait de la boue partout et 20 cm sur la route. Quand nous allions à l’école qui avait été ré ouverte, nous étions crottés. Par la suite les parents nous ont autorisé de passer par les champs en herbe pour nous éviter d’arriver sales à l’école.

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Entrée actuelle  du camp des soldats US en 1944

Terrain pour le camp US.jpg
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